lundi 6 octobre 2014

Ebola : 75% de chance que le virus arrive en France d'ici 20 jours, l'étude a été mal comprise !



Dimanche, un chiffre alarmant a fait le tour des sites d'informations : la France aurait 75 % de risques d'être touchée par Ebola d'ici vingt jours, selon une modélisation de l'épidémie fondée sur le trafic aérien. En réalité, l'étude du chercheur ’Alessandro Vespignani, de l'université Northeastern de Boston, a été mal comprise : la probabilité d'importer le virus dans l'Hexagone par le biais des transports aériens est bien moindre (20 %) étant donné que les vols à destination et en provenance des pays touchés par l'épidémie ont été réduits de 80 %.

Cet épisode illustre une nouvelle fois la difficulté d'établir des modèles et de prévoir l'évolution de cet épisode infectieux hors normes qui a déjà tué plus de 3 400 personnes en Afrique de l'Ouest depuis mars.

Simon Cauchemez, directeur de l'unité de modélisation mathématique des maladies infectieuses à l'Institut Pasteur à Paris, rappelle les limites des prédictions à long terme et le fait qu'un cas importé en France ne signifierait pas le déclenchement d'une épidémie.



Quel est le risque que la France soit touchée par le virus Ebola ?

Ce qui est évalué dans l'étude d'Alessandro Vespignani, c'est le risque d'avoir des cas importés plutôt que le risque d'une épidémie en France. A partir du moment où il y a du trafic aérien – ce qui est souhaitable, notamment pour faire transiter des personnels de santé et du matériel –, on s'expose à voir des patients infectés rentrer dans d'autres pays. Mais des Etats comme la France sont a priori capables d'éviter une épidémie. Ils ont les moyens et les structures sanitaires pour retrouver, contrôler et isoler les personnes en contact avec les malades.

D'autant que l'épidémie d'Ebola présente deux particularités : les personnes ne sont infectieuses qu'à partir du moment où elles ont développé les symptômes (fièvre, vomissements, douleurs musculaires…) et la durée d'incubation est assez longue (entre deux et vingt et un jours, huit-dix en moyenne). Ce délai permet, lorsqu'on repère un cas, de retrouver et de suivre les personnes avec lesquelles il a été en contact et de les isoler avant qu'elles ne transmettent à leur tour le virus.

Dans ce genre de situations, il y a toujours des risques qu'un patient ne soit pas immédiatement mis à l'isolement, comme aux Etats-Unis où un Libérien a été détecté tardivement. Mais globalement, même s'il peut y avoir des petites chaînes de transmission, nous sommes confiants sur la capacité de contenir une épidémie d'Ebola en France.

L'OMS avait parlé de 20 000 cas d'ici à novembre. Les centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) américains évoquaient, eux, dans leur pire scénario, 1,4 million de cas au Liberia et en Sierra Leone d'ici le 20 janvier. Comment réalise-t-on des modélisations sur l'évolution de l'épidémie d'Ebola ?

On regarde le nombre de nouveaux cas dans chaque pays touché par l'épidémie, essentiellement la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia. A partir de cette courbe, on obtient un chiffre-clé : le taux de reproduction, c'est-à-dire le nombre moyen de personnes infectées par chaque malade. Si ce chiffre est inférieur à un, l'épidémie ralentit ; s'il est supérieur à un, elle s'accélère. On est alors dans une situation explosive, avec ce qu'on appelle une croissance exponentielle. On est ensuite capables de prolonger cette courbe exponentielle pour faire des prédictions.

Ces prédictions ont un sens à quelques semaines, mais elles atteignent rapidement des limites à plus long terme. Il y a un moment où d'autres mécanismes vont entrer en jeu au-delà de l'augmentation du nombre de cas : les mesures d'isolement des malades, l'arrivée de nouveaux médecins, la mise au point de traitements ou, au contraire, le fait que toutes les personnes soient infectées et donc que l'épidémie s'arrête seule.

L'intérêt de ces modèles mathématiques est, au final, de dire « s'il ne se passe rien de nouveau, voilà ce à quoi on peut s'attendre dans les semaines qui viennent ». C'est un outil important afin de réaliser la gravité de la situation et faire en sorte que la communauté internationale réagisse à la crise. Mais il faut faire attention aux prédictions catastrophistes à très long terme.



On ne peut donc pas estimer quand l'épidémie pourrait être enrayée ?

On ne peut pour l'instant pas donner de date de fin d'épidémie. Le travail intéressant qui va être fait sous peu, c'est de suivre au plus près l'impact sur la transmission du virus des mesures de contrôle qui ont été annoncées – comme l'envoi de 3 000 militaires au Liberia. L'idée n'est donc pas tant de faire seulement des projections mais de voir où est-ce qu'on est efficaces et où, au contraire, il faut renforcer les mesures. C'est un outil d'analyse pour être capables de quantifier la transmission du virus dans les différents lieux et voir ce qui marche et ne marche pas en termes d'interventions.

Que pensez-vous des modélisations des CDC américains qui estiment que les cas d'Ebola sont sous-estimés et qui veulent multiplier les chiffres annoncés par un facteur de correction de l'ordre de 2,5 ?

Dans n'importe quelle épidémie, on n'est jamais capables de trouver tous les cas. C'est l'un des facteurs qui expliquent que l'épidémie continue de progresser. L'évaluation du nombre de cas non détectés est une question difficile. On n'a pas encore les bons outils pour estimer correctement la proportion exacte. On peut faire des scénarios, demander aux gens du terrain ce qui leur paraît crédible. Mais cela reste plutôt une hypothèse de travail pour mieux appréhender la réalité.



Source : Le Monde

Publié sur Actu Hazmat-Nrbc et Twitter @Cedelactu

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